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Arundhati Roy, Le Dieu des Petits Riens

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dieudespetitsriensVoilà un classique indien à la fois plein de fraîcheur et empreint de tristesse. L’histoire est narrée par une petite fille, avec son niveau de compréhension des évènements : la vie de la famille Kochamma jusqu’au drame qui va la séparer de son frère et d’elle-même.

Le style est mordant, impitoyable et irrésistible, et l’on retrouve les réflexions de l’enfance, les petites manies ou les jeux enfantins pour faire face au monde incompréhensible des adultes. A lire absolument !

Histoire :

Ayant quitté leur père après un mariage malheureux, Ammu, revenue chez sa mère, élève ses deux jumeaux de huit ans, Rahel et Estha. Pleins de vie malgré un environnement miné par le chagrin, l’aigreur, la résignation ou l’impuissance, la petite Rahel et son frère s’attachent à Vélutha, un Intouchable au service de leur maison. Il représente d’autant plus une figure paternelle que leur mère l’aime en secret. Dans le contexte indien des castes, ces liens sont cependant défendus, car les Intouchables ne sont pas considérés comme des êtres humains à part entière…

Extrait :

«  La Maison de l’Histoire, plus proche, les fascina bien davantage. Ils y pensaient souvent, à cette maison, sur l’autre rive du fleuve. Qui se profilait au Cœur des Ténèbres. Qui leur était interdite. Qui était remplie de chuchotements incompréhensibles.

Ils ne pouvaient se douter alors qu’elle leur serait bientôt ouverte. Qu’ils traverseraient le fleuve pour se retrouver là où il leur était interdit d’aller, en compagnie d’un homme qu’il leur était interdit d’aimer. Qu’assis sur la véranda de derrière, ils regarderaient, avec des yeux grands comme des soucoupes, l’histoire se révéler à eux. »

Amin Maalouf, Les Identités meurtrières

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lesidentitesmeurtrieresQui ne connaît pas Amin Maalouf, l’écrivain des extraordinaires Léon L’Africain, Le Rocher de Tanios, ou encore Samarcande ? Engagé dans le rapprochement de la culture moyen-orientale et occidentale, il nous offre ici un livre qui mériterait d’être un passage obligé à l’école.

Il s’agit d’un traité sur la question de l’identité ou plutôt des identités, cruciale dans un contexte de mondialisation, pour les questions de métissage comme de compréhension entre les hommes de cultures, de religion ou d’origines différentes. C’est une invitation à la tolérance, au respect, à la compréhension mutuelle.

La tendance actuelle pousse les hommes à se regrouper et à cristalliser leur sentiment d’appartenance à un seul trait de leur personnalité : musulman, sénégalais, bouddhiste, ou encore socialiste, végétarien, intellectuel. Cette autodéfinition de l’identité est aussi dangereuse que stérile : elle conduit à se définir contre un ou plusieurs autres groupes que l’on définit tout aussi sommairement. Or chaque individu est composé d’une multitude d’identités qui se combinent et le rattachent à autant de groupes, tissant une société complexe.

La compréhension de la notion d’identités est considérée par Amin Maalouf comme un enjeu de civilisation. La sagesse de ce petit livre inspire l’admiration et ouvre la voie de l’humanisme.

Extrait :

« Pour ce livre, qui n’est ni un divertissement ni une oeuvre littéraire, je formulerai le voeu inverse : que mon petit-fils, devenu homme, le découvrant un jour par hasard dans la bibliothèque familiale, le feuillette, le parcoure un peu, puis le remette aussitôt à l’endroit poussiéreux d’où il l’avait retiré, en haussant les épaules, et en s’étonnant que du temps de son grand-père, on eût encore besoin de dire ces choses-là. »

Doris Lessing, Le Rêve le plus doux

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dorislessingDoris Lessing, prix Nobel de littérature 2007, nous livre avec Le Rêve le plus doux la saga d’une famille anglaise pas comme les autres, entre les années 1960 et aujourd’hui. C’est l’histoire de Julia, la vieille mère de Johny, Frances, sa femme, puis de Sylvia, fille d’une femme de Johny. L’histoire de trois femmes extraordinaires, toutes marquées par le malheur et la souffrance mais qui, par leur générosité, rêvent de faire un monde meilleur.

L’histoire gravite autour de l’ombre menaçante du père, Johny, qui a épousé la cause communiste, a renié ses racines bourgeoises (mais pas l’argent de sa mère, qu’il vient réclamer régulièrement), avant d’abandonner ses deux jeunes fils et sa femme au motif qu’elle n’est pas suffisamment dévouée au Parti. Julia et Frances créent alors un havre de liberté pour une multitude d’enfants et adolescents perdus ou révoltés contre leur propre famille.

Lorsque tous les enfants prennent leur indépendance, profondément influencés par leur expérience commune, ils se sont tous positionnés par rapport au marxisme, à son militantisme en Afrique et certains d’entre eux se retrouvent en Zimlie (pays imaginaire mais qui ressemble à s’y méprendre au Zimbabwe). Sylvia a repris un dispensaire en pleine brousse et se trouve confrontée au détournement de l’aide humanitaire, à la corruption du pouvoir alors même qu’elle a vécu avec un des ministres chez Julia.

Ce roman est en réalité le troisième tome maquillé de l’autobiographie de Doris Lessing. Avec une manière unique de raconter son époque, elle se révèle un témoin inestimable de l’histoire, qui propose une analyse pointue et sans concessions de l’évolution sociale des années 1960 et 1970, du communisme, du féminisme, de la prise du pouvoir par des dirigeants noirs en Afrique.

C’est un bijou qui ne peut pas laisser indifférent et dont on referme avec difficulté la dernière page.

Irène Frain, Au Royaume des Femmes

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Je vous propose aujourd’hui non pas un traité du féminisme mais un roman historique qui retrace la vie extraordinaire de Joseph Francis Rock, dandy et casse-cou à la fois, au tout début du siècle.

Aventurier pour le compte du National Geographic, il part à la découverte de l’Himalaya chinois, et au fil de ses péripéties tour à tour glorieuses, excentriques, étonnantes et grotesques, se dessine un personnage insaisissable. Toujours dans la représentation de lui-même, il vend du rêve au monde occidental, dont il dépend financièrement, mais n’estime que lui-même et n’aime que l’inconnu, l’exotique, l’inédit. Autodidacte, autoritaire et superstitieux à l’extrême, il se crée à force de mensonges et de supercheries un personnage qu’il ne pourra plus quitter.

Un rêve obsessionnel prend forme dans ses montagnes : il part à la quête d’un Royaume secret et oublié du temps, peuplé par les descendantes des Amazones, sauvages, insoumises et cruelles. « La Montagne » et sa reine exercent sur Rock une fascination qui s’exacerbe à mesure qu’il recueille plus d’informations sur ce monde inaccessible.

L’expédition sans cesse déviée ou repoussée lui permet de découvrir des vallées insoupçonnées, traverser des aventures rocambolesques et rencontrer aux frontières du monde « civilisé » des personnages retranchés à la limite de l’humain.

Entre biographie et roman d’aventures, Au Royaume des Femmes se lit sans difficulté malgré le nombre de pages. On est pris dans le rêve de la découverte d’un monde vierge (de l’influence des Blancs) et de l’apprivoisement d’une peuplade indomptée, issue des légendaires Amazones, restée à l’état de nature…

Jean-Christophe Rufin, Le Parfum d’Adam

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ruffinadam1Vous aimez le suspense, les questions d’éthique, la thématique du terrorisme, et vous vous sentez plus ou moins concerné(e) par l’écologie ? Le Parfum d’Adam est écrit pour vous : malgré quelques longueurs peut-être pour les moins patients, on en apprend beaucoup et on est obligé de repenser sa position par rapport à l’intouchable développement durable, qui n’est pas si consensuel…

Connu pour son roman à succès Rouge Brésil, Jean-Christophe Rufin nous livre ici son dernier né issu de ses préoccupations humanistes liées à la rencontre des cultures du Nord et du Sud, à la médecine et, dans le cas du Parfum, de la violence liée aux mouvements de l’écologie radicale. Eh oui, pour vous, les écologistes sont d’irréductibles naïfs, plutôt bruyants mais inoffensifs ? Eh bien sachez que les Américains considèrent l’écologie radicale comme la deuxième cause de terrorisme au monde…

On suit en parallèle l’histoire de deux personnages que le destin va faire se croiser : une jeune française paumée, révoltée par le comportement consumériste et égoïste de ses contemporains, qui va libérer des animaux de laboratoire et récupérer une mystérieuse fiole rouge pour une association écologiste, et un ancien membre de la CIA qui enquête sur un terrorisme international sans visage.

La fin justifie-t-elle parfois les moyens, et jusqu’à quel point : c’est la question qui sous-tend ce livre. L’organisation écologiste que l’on découvre peu à peu apparaît séduisante et fait écho à une culpabilité ancrée en nous par les questions d’inégalités, de consommation irraisonnée, de non-respect de la nature ; à l’instar de Juliette qui s’y engage aveuglément, il est bien tentant d’y adhérer. La thèse se défend : l’homme est un élément qui, en s’affranchissant des contraintes naturelles par orgueil, a détruit l’équilibre homme-nature et est sur le point de s’autodétruire. Il s’agit donc de rétablir cet équilibre afin de revenir à une situation plus saine et durable… A quel prix ?

Kawakami Hiromi, Les Années douces (Sensei no kaban)

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Il s’agit d’un livre empreint de bonheur et de mélancolie pour découvrir la littérature japonaise contemporaine. Tsukiko, la quarantaine, rencontre son ancien professeur de japonais dans un bar où elle a ses habitudes. S’ensuivent une série d’entrevues insolites ou alcoolisées avec « le maître », et Tsukiko se met peu à peu à souhaiter leurs rencontres. Des liens à la fois simples et complexes se tissent lentement et presque malgré eux.

Chaque rencontre permet d’appréhender la culture du Japon, le saké, la montagne, la fête des cerisiers en fleur… Elles sont ordinaires et dégagent pourtant une poésie et une douceur qui ont le goût du rêve qui s’évanouit. Il est facile de s’identifier à l’héroïne qui, en tant que narrateur, n’affiche pas une personnalité très définie par rapport au vieux professeur, et c’est peut-être en partie pour cela que ce roman est aussi touchant.

Ce n’est donc pas un livre d’action mais la belle histoire de deux solitaires qui n’ont a priori rien en commun et qui s’apprivoisent pour retrouver un sens à leur vie.

Extraits :

« Le maître et moi, nous ne nous parlons plus. Du coup, je me rends compte que tout ce que je faisais jusque là, c’était avec le maître, lui seul. A part lui, cela faisait bien longtemps que ça ne m’arrivait plus de boire du saké en compagnie de quelqu’un, de marcher dans la rue ou de voir des choses plaisantes. Quand je cherche à me rappeler avec qui alors je faisais des choses en commun avant de devenir intime avec le maître, aucun nom ne me vient à l’esprit. J’étais seule. »

« Comme dans un soupir, je l’ai appelé. A son tour, il a murmuré mon nom. Sa voix était nette et pure, c’était une voix de prof. « Ce sont les enfants qui ont peur du tonnerre, ne l’oubliez pas! » Le maître a ri bruyamment. Son rire se superposait au grondement du tonnerre. Mais enfin, puisque je vous dis que je vous aime. A moitié sur ses genoux, je continuais à murmurer, mais mes paroles ont été immédiatement effacées par le bruit du tonnerre et le rire du maître. »

Tonino Benacquista, Malavita

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Accroche :

« Ils prirent possession de la maison au milieu de la nuit. Une autre famille y aurait vu un commencement. Le premier matin de tous les autres. Une nouvelle vie dans une nouvelle ville. Un moment rare qu’on ne vit jamais dans le noir. Les Blake, eux, emménageaient à la cloche de bois et s’efforçaient de ne pas attirer l’attention. »

L’intrigue :

C’est l’histoire savoureuse d’une famille de mafieux américains repentis, qui s’exile dans un village perdu de Normandie, et sous couverture car Little Italy est à leurs trousses.

Tous plus déjantés les uns que les autres, les membres de la famille tentent de saisir chacun à leur manière cette deuxième chance qui leur est offerte. Mais les réflexes ont la peau dure et dans le microcosme qui leur est imposé, les gaffes se multiplient, menaçant de trahir leur vraie nature. La tension monte de manière palpable, le suspense est jubilatoire à mesure que la violence transpire et que la situation se noue inexorablement…

Mon avis :

Ce roman drôle, intense, violent est à mon sens un vrai succès. On ne s’ennuie pas une seconde. Il met en scène des personnages pétillants, attachants et monstrueux à la fois, avec un humour irrésistible ! La suite existe sous le nom Malavita encore, mais est malheureusement assez décevante. A quand l’adaptation en film ?

Milena Agus, Mal de Pierres

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Milena Agus est une femme écrivain d’une grande sensibilité, dotée une écriture fine et épurée. Originaire de Sardaigne, elle séduira les lecteurs (et bien sûr les lectrices) assoiffés de fraîcheur et d’authenticité. C’est avec Mal de Pierres, son deuxième roman, qu’elle a été révélée au public français, récompensée par le prix Relay du roman d’évasion.

Avec pour cadre une Sardaigne millénaire et ensoleillée, la vie de la très énigmatique héroïne est racontée par petites touches autour du mystère de son destin malheureux. Elle est belle et pourrait être considérée comme une femme de caractère, mais son idéalisme la pousse à attendre le grand amour. La poésie du texte révèle dans sa complexité et dans toute sa beauté un personnage incompris et blessé, considéré par ailleurs comme « dérangé ». A trente ans, elle finit par accepter un mariage de raison, qui est loin de la guérir de son mal d’amour. C’est la rencontre du Rescapé qui va lui rendre le goût de la vie, mais ce n’est que sa petite-fille des années plus tard qui va révéler ce personnage dans sa vérité.

Ce roman brosse un univers féminin peuplé de personnages humains, très simples, un peu fous… un monde sarde, loin du continent, de sa richesse et de la modernité, et dans lequel on plonge sans recul. On ferme le livre avec à la fois le cœur serré et l’envie de croquer la vie !

Vous retrouverez la magie de l’univers de Milena Agus avec Battement d’ailes.

Antoine Bello, Les Falsificateurs

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Lorsque Sliv accepte d’intégrer le CFR, il est loin d’imaginer qu’il s’agit d’une organisation secrète internationale qui a noyauté jusqu’à la Banque Mondiale, et dont l’activité est de falsifier l’information. Ses milliers d’agents inventent sans relâche des scenarii avant de modifier les sources existantes ou d’en inventer de nouvelles. De nombreux faits s’avèrent être le fruit de l’imagination du CFR : la première chienne Laïka envoyée dans l’espace, la disgrâce de Cortés auprès de Charles Quint du fait qu’il n’était pas baptisé, les propriétés étonnantes d’absorption du CO2 par une forêt en passe d’être rasée, etc.

Fasciné par son activité dans l’ombre et par le pouvoir qui lui est octroyé, puisque ses dossiers pèsent sur l’opinion et les relations internationales, Sliv est cependant amené à faire face aux conséquences de son engagement : jusqu’où le CFR va-t-il aller pour protéger le secret de son existence ? et surtout, quelle est sa finalité ?

Une histoire incroyablement ficelée, un suspense bien mené, une écriture élégante, ce roman est un bijou qui se lit d’une traite. Soulevant les questions de la tentation de modifier le cours de l’histoire et de la fiabilité de l’information, il crédibilise le mensonge à grande échelle. Attention, effets secondaires : rend paranoïaque ! Seule ombre au tableau : les réponses sont remises à un éventuel second tome…