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Thérèse Delpech, l’Ensauvagement

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Le retour de la barbarie au XXème siècle est le thème majeur développé dans cet essai qui a remporté le prix fémina en 2005.

Son auteur, agrégée de philosophie et diplômée de l’école normale supérieure, maîtrise allégrement son sujet.

Les fonctions prestigieuses que Thérèse Delpech occupe, tant à la tête des affaires stratégiques du commissariat à l’énergie atomique, au centre d’études et de recherches internationales, qu’à l’institut international d’études stratégiques, n’y sont en effet pas pour rien.

Cette spécialiste des relations internationales mène ici une réflexion historique sur le siècle passé pour mieux nous prédire celui qui s’ouvre à nous.

Revenant tout d’abord sur les premiers jalons posés par le conflit russo-japonais de 1905, elle nous livre ici une analyse à la fois stratégique, historique et philosophique du monde actuel et des scénarios plausibles pour 2025.
Pessimiste, l’auteur met en garde contre l’incidence de la politique de Poutine, les tensions en Asie du Sud-Est et la question nucléaire.

A bien des égards, cet essai passionnant mérite d’être lu à la lumière du rapport de la CIA commenté par Alexandre Adler. Il s’en distingue toutefois par sa dimension quasi-spirituelle qui lui confère une teinte unique.

Vernor Vinge, Un feu sur l’abime (A Fire Upon The Deep)

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Une expédition découvre un trésor dans un lieu reculé de la galaxie: un mine de programmes inconnus issus d’une Archive d’une civilisation disparue. En explorant ces programmes, les chercheurs déclenchent une Perversion, une entité intelligente maligne qui va rapidement chercher à soumettre et détruire toute civilisation et toute forme de vie.

Deux enfants parviennent malgré tout à s’échapper avec le seul remède capable de détruire la Perversion. Après un court voyage, ils atterrissent en catastrophe sur une planète habitée par un civilisation primitive de forme canine, à un stade d’évolution équivalent de notre moyen-age. Le vaisseau envoie alors automatiquement un signal de détresse auquel une civilisation répond, des années plus tard, par une mission de sauvetage.

Quelques réflexions:

Dans Un Feu Sur L’abime, Vernor Vinge développe plusieurs concepts majeurs extrêmement pertinents, notamment:

  • La galaxie non-homogène et la transcendance: plus on se rapproche de son centre, plus la matière est dense et le temps, l’intelligence, la pensée et les avancées technologiques sont ralentis. Les civilisation pour progresser doivent être le plus possible à la bordure de la galaxie, c’est la bordure qui devient le véritable centre des échanges et des avancées technologiques: intelligence artificielle, antigravitation… Lorsqu’elle s’éloigne encore de la galaxie, la civilisation tend à se déifier, à transcender pour devenir des entités « divines ».
  • La race canine intelligente occupant la planète ou atterrissent les enfants fonctionne avec des esprits de groupe: les individus peuvent s’unir et développer un esprit commun, un individu est alors constitué de plusieurs corps indépendants avec un esprit unique, fusion des différents esprits. Lors du décès d’un des membres de l’individu, celui-ci doit s’efforcer de maintenir son unité, et généralement va chercher un corps solitaire pour lui proposer la fusion, cette fusion est source d’équilibre jusqu’à une certaine limite (<3,4 voire une dizaine de corps, selon les individus).

Vernor Vinge a reçu pour Un Feu Sur L’Abîme l’éminent prix Hugo en 1993.

Avis personnel:

Assez difficile d’accès et très conceptuel, ce roman recèle des reflexions d’une extrème richesse (en effet plusieurs années avant leur arrivée, Vernor Vinge décrit notamment ce qui sera Internet, le mail etc.)  et une histoire qui se révèle passionnante malgré un départ un peu rude. Accrochez-vous, ça vaut le coup.

[Lien vers une critique de haut vol]

Jean-Pierre Le Goff, La Barbarie Douce

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La barbarie douce est un essai écrit en 1999 et réédité en 2003 par Jean-Pierre le Goff, sociologue et philosophe français.

Épinglant les techniques de management issues des années 1980, l’école et le monde de l’entreprise sont examinés ici sous le spectre du modernisme et de l’optimisation.

Ce qu’il restait d’humanité et d’individualité est sacrifié sur l’autel de la sacro-sainte « performance » des entreprises. Les « bilans de compétences » et « contrats-objectifs » ciblent quotidiennement les « savoir », « savoir-faire » et « savoir-être » de salariés dont la marge de manœuvre se réduit à mesure que s’étend leur « autonomie » supposée.

Ce que l’auteur décrit ici, c’est la marche implacable et terrifiante de ce néo-Taylorisme qui gagne les bancs de l’école. Un mouvement qui revient à exclure, de plus en plus jeune, des élèves jugés incompatibles avec ce qui sert de modèle aux chasseurs de têtes. Mais de quel modèle s’agit-il ? D’une sorte d’idéal dangereux qui se coupe progressivement du réel en entraînant dans sa chute une génération toute entière.

Très intéressante, cette étude évite habilement les simplifications et récupérations politiques grossières pour mouiller tout le paysage idéologique français de droite comme de gauche. Une réflexion savante sur un processus que beaucoup ont l’occasion de toucher du doigt sans pour autant en mesurer l’impact ou la gravité sur l’Homme en devenir, celui que nous « préparons »aujourd’hui, inconsciemment sans doute, pour le siècle à venir.